Qu'est-ce qu'un refuge de montagne ?
« NON LE REFUGE, CE N’EST PAS UN HÔTEL D’ALTITUDE ! Il s’agit d’un bâtiment dont l’unique vocation est d’héberger des usagers se déplaçant à pied à travers des espaces naturels. Le rôle du gardien consiste à assurer aux pratiquants “gîte et couvert” pour un prix fixé en fonction de l’éloignement et de l’altitude du refuge. L’hébergement s’effectue en dortoirs de capacité variable (de 4 à 20 places) ; la restauration est quant à elle assurée dans un réfectoire commun où tables et bancs en bois rassemblent les convives. Lavabos, toilettes et douches rustiques constituent ce qu’on appelle habituellement les sanitaires, parfois extérieurs. Le décorum simple des locaux invite à s’intéresser à l’environnement, à la faune ou à la flore ainsi qu’à l’histoire de ces “sanctuaires naturels” où l’homme est autorisé à séjourner brièvement sous un toit modeste.
Ici point de privilèges, de luxe ostentatoire ou de fantaisie moderniste, tout est voué à une fonctionnalité sobre qui pourra surprendre ou rebuter certains. D’autres seront en revanche ravis de parler à leurs voisins de chambrée ou de tablée, au gardien et à ses aides, repoussant pour un moment les barrières factices qui menacent la société urbaine. De nos jours, les refuges tendent à se rapprocher des hôtels au gré de leur rénovation ou des nouvelles constructions, au grand dam de certains pratiquants de la montagne qui trouvent que les refuges perdent alors leur âme.»
Extrait de “Refuges, Mode d’emploi” de la brochure des refuges des Alpes-Maritimes 2003.
« Devenue terrain de découverte, de loisirs et de sport, la montagne n’est plus seulement une affaire de spécialistes. Le refuge, c’est le lieu de rencontre entre alpinistes et randonneurs et, pour tous, c’est le réconfort après l’effort. Entre le confort d’une hôtellerie de vallée et la rudesse d’un bivouac de haute altitude, le refuge est un lieu convivial d’accueil et de repos collectif. C’est aussi l’endroit d’où le gardien donne l’alerte et participe aux secours. Les gardiens sont l’âme du refuge, ce sont eux qui gèrent et font fonctionner la maison, et ce n’est pas une mince affaire… »
Extrait de www.ice-fall.com
“Refuge : construction d’altitude permettant de se réfugier”.
Le refuge est construit dans des lieux où rien d’autre n’est construit, par définition, sauf quelquefois deux téléphériques, sept télésièges, un altiport et quatre restaurants d’altitude. Mais pas tout le temps. Le refuge est souvent sommaire et convivial, et, grâce à la chaleureuse proximité due aux dortoirs, permet de profiter pleinement de toutes ces délicates petites choses qui font les soirées et les nuits en montagne à savoir rots, odeurs de pieds, pets, ronflements, lumières en pleine poire à 2h du matin, 3h du matin, 4h du matin et 5h du matin. Après il fait jour. (…) Certains refuges sont également équipés de gardiens et des fois, c’est tant mieux et des fois, c’est tant pis. »
Extrait de « La randonnée de A à Z » de Jean-Marc AUBRY aux éditions Guérin Chamonix.
Fonctionnement
L’isolement est la particularité des refuges : il complique la gestion des stocks, des déchets, de l’énergie et des moyens de communication, mais il demeure le principal charme des refuges. Chaque gardien l’apprivoise à sa manière. Voici comment fonctionne le refuge du Mont Pourri :
L’approvisionnement : le gros s’effectue par héliportage au début de la saison (compteur à la minute). Il contient notamment les denrées non périssables, les boissons, le gaz et le bois pour l’hiver suivant.
Les produits frais sont acheminés une à deux fois par semaine à pied depuis les arcs 2000 jusqu’au déneigement complet de la piste privée accessible au tout-terrain, souvent début juillet. Cette piste permet de joindre, en une demi-heure, les Arcs 2000 à la limite du Parc National de la Vanoise (PNV), à 15 minutes du refuge. Une autorisation spéciale m’accorde le droit d’atteindre le refuge par un trajet chaotique, néanmoins les portages à dos ont ma préférence (sauf cas de nécessité) par souci du bien-être des animaux et des randonneurs.
L’eau : nous n’avons encore jamais manqué d’eau au refuge jusqu’alors, d’autres refuges n’ont pas eu cette chance (certains ont dû fermer !). En revanche, suite à l’évolution des normes sanitaires plus strictes qu’auparavant, l’eau « potable » est désormais traitée par un filtre à ultra-violet. Ce filtre-lampe est très énergivore en électricité, donc nous avons tendance à l’allumer le moins possible en stockant l’eau traitée dans des pichets pré-remplis ; vous avez ainsi toujours accès à de l’eau traitée , mais pas toujours aux robinets.
Les déchets : puisque les éboueurs ne passent toujours pas récupérer les déchets au refuge… nous essayons de les restreindre autant que possible, de les trier (verre, emballages, organiques) et de les redescendre d’abord à dos, puis en tout-terrain.
Vos propres déchets sont moins lourds vides au retour que pleins à l’aller. A l’échelle de plusieurs milliers de visiteurs, de nombreux trajets peuvent être évités, alors, dans la mesure du possible, redescendez-les s’il vous plait !
L’électricité : il n’y a pas de ligne électrique, seuls les panneaux photovoltaïques alimentent les rares appareils électriques indispensables (pompe à eau, filtre UV pour l’eau potable, frigo, congélateur), l’éclairage et la santé mentale du gardien (musique). C’est une énergie effectivement gratuite (mis à part l’installation à 2373m !!!) mais très limitée, donc pensez à éteindre derrière vous, afin d’éviter les petits déjeuners à la bougie. Un groupe électrogène d’appoint au gasoil, bruyant et nauséabond, nous permet de recharger les batteries pour les maintenir en état de marche. Nous nous démenons tellement chaque jour pour économiser cette énergie si rare que nous ne pouvons pas assurer les recharges de smartphones, appareils photo ou autres, nous en sommes désolés. Pensez à éteindre ou mettre en mode avion vos appareils qui vide leur batterie rapidement en cherchant le peu de réseau, et prévoyez des batteries portables de secours.
Le gaz (eau chaude, cuisine) : le ballon d’eau chaude sanitaire et la cuisinière fonctionnent au gaz propane héliporté par le gardien. Merci de l’économiser.
Le bois : le chauffage est assuré par un poêle à bois, matière naturellement rare à 2300m, donc le CAF prend en charge son achat ainsi que son héliportage qui double son coût, pour un service qu’il estime public voire même de survie en hiver.
Merci de n’utiliser que le nécessaire à tempérer les lieux, la chaleur humaine (100W / personne) ou un bon pull fera le reste.
Moyens de communication : les antennes ne sont pas pour la télévision… elles servent au radio téléphone du refuge et aux relais téléphoniques des refuges du Palet et Entre-le-Lac. La réception n’est pas toujours parfaite mais elle permet de communiquer avec la vallée, notamment pour les secours et les réservations. Le téléphone est un outil essentiel au gardien et n’est donc pas à usage public, la butte juste derrière autorise parfois le réseau des portables à passer… La parabole permet la connexion internet par satellite, chère, et à la data limitée, que nous ne branchons que quelques heures (toujours ces restrictions électriques !) par jour pour les e-mails et les réservations en ligne. C’est pourquoi nous ne sommes pas réactifs aux e-mails et autres communications web… En résumé, peu voire pas de réseaux téléphoniques portables, peu d’internet et un téléphone radio fixe souvent occupé, c’est dur de communiquer en montagne, la vrai déconnexion…
La vie au refuge
La vie en refuge implique de respecter des règles spécifiques à cette collectivité isolée et confinée. Bref, il y a des us et coutumes, dictés par le bon sens et le respect de l’autre :
réserver son séjour auprès du gardien et le prévenir en cas de désistement sont indispensables
Le repas est servi a 19h, nous vous serions très reconnaissant d’arriver avant 18h00 si possible, afin d’avoir le temps de vous installer dans de bonnes conditions.
Une fois sur place, merci de :
- Prévenir le gardien de votre arrivée et passer l’interrogatoire rituel (réductions applicables, itinéraire du lendemain, boissons du petit déjeuner, allergies, etc.)
- Ne pas déranger les autres (fumer est interdit, être bruyant, inconvenant et laisser son portable allumé déconseillé surtout que vous ne pourrez pas le recharger)
- Laisser les lieux propres (essuyer ses pieds, plier et ranger son couchage, redescendre ses déchets…etc)
- Économiser l’énergie (électricité, bois, gaz) & la nourriture (ne pas gâcher)
- Ces petits gestes vous feront apprécier davantage la vie en montagne en général et au refuge en particulier !
Cas du Refuge non gardé :
Hors gardiennage, la salle commune et les dortoirs restent accessibles par vocation d’abri potentiel. Demeurent à disposition les matelas, les couvertures, la cuisine hors-sac et la vaisselle, du gaz et du bois (à économiser: inutile d’atteindre les 25°C si vous partez dans quelques heures). Par risque de gel, le refuge a été vidangé, l’eau coule au bachal extérieur en toute période.
En échange de quoi, les usagers doivent régler, dans le “tronc” prévu à cet effet, leur nuitée ainsi que leur consommation de bois et de gaz (sans oublier que le transport double leur coût d’achat). De plus, vous êtes priés de laisser les lieux prêts à recevoir les suivants (lieux et vaisselles propres, réserve de bûches et petits bois au sec), et de penser à éteindre l’éclairage et à fermer gaz, portes et fenêtres en partant.
Si des abus étaient mis en évidence, le refuge pourrait un beau jour resté clos, alors à vous de jouer pour que la montagne hors-saison reste du domaine public. En cas d’anomalie ou de dégâts constatés, merci de prévenir le gardien au 06 144 877 26 (attention numéro à utiliser uniquement hors saison, le réseau mobile n’étant pas toujours au rendez-vous au refuge !) ou par mail à refugedumontpourri@ffcam.fr.
Le Gardien et son équipe
Depuis 2005, Laurent JULIEN vous accueille.
« Un mot au sujet du gardien de refuge, personnage “hors normes” qui connaît mieux que quiconque les alentours, l’évolution du temps ou les conditions de la montagne : très occupé, peu disponible, souvent surmené, il doit jongler entre le ravitaillement et la gestion du bâtiment, les travaux divers et parfois les secours, en dehors des appels téléphoniques et des discussions avec le public. Une obligation lui est faite : rester en forme plusieurs mois durant, sans jamais faillir. Mission impossible ? »
Extrait de “Refuges, Mode d’emploi” de la brochure des refuges des Alpes-Maritimes 2003
Vidéo historique
Historique
Tout d’abord, pour les plus avides d’information, voici à votre disposition un ouvrage de 20 pages intitulé “Histoire toponymique et alpine du Mont Pourri“, écrit par E. Gaillard en 1932 pour la Revue Alpine.
En résumé, l’exploration des accès au sommet du Mont Pourri (3779m) s’échelonna sur 43 ans au total avec entre autres :
- la première ascension par Michel Croz en 1861 depuis Entre Deux Nants par le Grand Col et le Col des Roches
- JM Poccard Chapuis ouvrit le “chemin Poccard” en 1873 depuis le chalet du Geay en passant en face sud puis par la crête ouest
- La cordée WAB Coolidge / Almer père & fils en 1878 découvrit, lors de leur descente, l’itinéraire par le Glacier du Geay.
Le Club Alpin Français avait à cœur de construire un refuge afin de faciliter l’ascension de ce sommet, car à l’époque, le matériel est très lourd et la météo empirique. Ce fut réalisable grâce à l’aide des montagnards et artisans de nos vallées ainsi qu’à la commune de Peisey-Nancroix qui lui céda les terrains nécessaires.
Après une tentative malheureuse par un emplacement inadéquate et des pillages (1885-1905), un refuge est ouvert en 1928 sous la moraine sur les itinéraires du chemin Poccard et du glacier du Geay. Il est constitué d’une seule pièce de 5m par 6, et contient deux bas-flancs garnis de paillasses et de couvertures pour 20 personnes, une table et des chaises ainsi qu’un poêle à bois pour la cuisine; l’eau est accessible au ruisseau avoisinant. Il est nommé refuge Regaud en l’honneur de F. Regaud (1871-1928) président du CAF à partir de 1922.
La fréquentation d’alpinisme augmenta tant et si bien qu’une extension du refuge devint nécessaire, pourtant la topographie des lieux et la proximité des avalanches excluent un agrandissement. Par conséquent le CAF inaugura en 1974 le nouveau refuge du Mont Pourri à son emplacement actuel (merci à l’inventeur de l’hélicoptère).
Le refuge Regaud fut utilisé comme annexe pendant un temps, puis le Parc National de la Vanoise en association avec la commune de Peisey-Nancroix le transformèrent en lieu de mémoire sur le Mont Pourri. Vous trouverez plus de détails et des photos dans cet éco-musée, il est ouvert au public chaque été.
Attention : le ferme-porte est très dur pour contrer les tempêtes estivales, insistez un peu, ce serait décevant de rater cette exposition sans prétention pour une broutille pareille. Le bouton du commentaire audio « d’époque » est bien caché tout à gauche sur le mur avec les tuiles en tôle.
Historique des gardiens du refuge du Mont-Pourri :
- 1975-1977 : Philippe DEL BONO
- 1978-1982 : Michèle POCCARD-MARION
- 1983-1999 : Michèle POCCARD-MARION mariée RICHERMOZ
- 2000-2000 : François POUYE
- 2001-2004 : Jean-François LANSARD & Christophe ASSELINEAU